Un certain nombre d’entre nous craignent les conflits. D’autres sont fatigués rien que d’y penser car ils savent que cela prend du temps et de l’énergie que de vivre un conflit. Globalement j’imagine que la plupart des gens voient le conflit comme quelque chose de négatif tellement leurs expériences du conflit ont été douloureuses.
De mon coté, j’ai été formé à la Communication Non Violente depuis 2005 (j’en profite pour remercier tous mes formateurs dont Jean Philippe Faure et Muriel Hemelsoet qui m’ont énormément inspiré) puis à différentes techniques de médiation par mon ami Eric Derobe. Ces formations et toutes mes expérimentations des outils fabuleux que j’ai pu découvrir m’ont donné à vivre des expériences vraiment positives du conflit et c’est pourquoi je souhaite vous les partager ici afin de vous montrer que le conflit peut être vu à partir du prisme de nos peurs de revivre une expérience douloureuse (comme celles du passé) ou le conflit peut être vu à partir de notre cœur, siège de notre joie de vivre et de notre capacité à aimer inconditionnellement et dans ce cas il sera forcément perçu comme un cadeau puisque de cet endroit nous pouvons projeter que nous allons revivre une expérience positive très enrichissante (comme celles que l’on a déjà connue dans le passé).
Mais nous sommes bien d’accord que pour passer de la peur à l’amour inconditionnel, le fait d’avoir vécu une première expérience positive est un élément clef. Alors comment faire ???
Revenons d’abord sur les phases que traversent tous les groupes. Bruce Tuckman parle de 5 phases :
1- La Formation du groupe ou la « lune de miel »
2- La tension, la confrontation ou le conflit ou « l’heure de vérité »
3- La normalisation et la cohésion
4- La performance
5- La séparation
Dans la phase 1 (aussi appelée phase de « pré communauté »), chacun est en observation dans le groupe et tente de comprendre quelles sont les normes, les règles implicites à respecter pour se faire accepter. Alors, comme dans une relation de séduction, on se conforme à la norme, aux règles et on tente de montrer que nous sommes un « gentil membre du groupe ».
Une fois que les membres du groupe auront atteint un certain taux de confiance en eux et dans le groupe, alors un ou des individus vont oser exprimer leurs désaccords, leurs singularités en se confrontant à la norme ou aux règles du groupe. Ce moment est très bénéfique car s’il est bien géré, il permet de passer de la phase 1 à la phase 3 aussi appelée « la phase de communauté ». S’il est mal géré en revanche il peut mener directement à la phase 5 de séparation. C’est cela qui nous fait peur et on a sans doute raison car sans méthode pour bien vivre ce moment de confrontation, il est tout à fait possible que cela se termine par une séparation douloureuse où tout le monde va perdre des plumes. Si le groupe dépasse cette tension/conflit dans la bienveillance alors les membres vont gagner en sécurité, chacun saura qu’il a le droit d’exprimer sa singularité sans risquer de se faire juger négativement et encore moins de se faire exclure. L’harmonie est retrouvée, un sentiment de confiance va se développer entre les membres du groupe, de nouvelles règles sont posées et le groupe est désormais mûr pour entrer dans la phase 4 de « performance » dans laquelle une forme de synergie se créé et un haut niveau de coopération peut se développer.
En résumé c’est donc le conflit qui permet à un groupe de devenir plus mature et d’évoluer vers une forme de performance optimisée. En cela le conflit est donc un sacré cadeau dans un groupe ! Même si je confirme qu’il représente aussi un risque d’aller vers la séparation…
Au niveau interpersonnel maintenant en quoi le conflit est-il un cadeau car généralement il est plutôt désagréable à vivre et nous « pompe » beaucoup d’énergie.
Pour répondre à cette question, j’aimerais vous poser une autre question : quels sont les évènements déclencheurs de vos plus grosses prises de conscience ? Quels sont les évènements qui vous ont poussé à évoluer dans votre vie ? A aller chercher du soutien auprès de gens pour comprendre que vous deviez évoluer ?
Dans pas mal de cas, la réponse sera : le conflit !
Alors oui, lorsque vous rencontrez une tension ou un conflit avec quelqu’un, le fait de l’assumer et de le « gérer » vous permettra – si vous utilisez les bons outils- de sortir par le haut de cette phase de votre relation. Vous en sortirez alors par le haut en posant de nouvelles règles et en augmentant votre cohésion car vous aurez pu :
- d’une part vous dévoiler un peu devant l’autre qui vous comprendra mieux
- d’autre part mieux comprendre votre interlocuteur qui en aura fait de même
Si vous faites l’effort de « gérer » le conflit, et de vous poser la question : « qu’est-ce que cette histoire me raconte de moi ? » et que vous êtes bien accompagné.e, vous pourrez alors profiter de « l’effet miroir » qui vous est proposé par votre interlocuteur. En effet ce qui nous pose problème chez l’autre est très souvent une chose qu’on ne veut pas voir ou accepter chez soi ou alors qu’on désire tellement fort qu’on ne comprend pas pourquoi l’autre l’assume alors que nous nous empêchons nous mêmes de faire cette chose !
En résumé, d’un point de vue interpersonnel, le conflit est une manière de mieux se connaître soi-même, de mieux se dévoiler à l’autre et de mieux rencontrer et comprendre l’autre dans sa différence. Si ça ce n’est pas un énorme cadeau ! C’est un triple cadeau !!!
Mais je n’ai toujours pas répondu à la question du « comment faire pour éviter que le conflit ne nous entraine vers une séparation ou exclusion douloureuse ? » autrement dit « Comment faire pour bien gérer un conflit et qu’il nous permette de grandir ? »
Il existe de très nombreuses méthodes de médiation, de gestion de conflit très performantes.
Pour moi l’idéal est de ne pas attendre trop longtemps : dès qu’on ressent une tension vis à vis de quelqu’un c’est lui proposer de se prendre un petit temps pour en parler. Si possible dans un endroit convivial, autour d’une bière, d’un café, en faisant une balade ou sur Zoom si on ne peut faire autrement. La technique du 4 X 4’ + propositions est généralement ultra efficace. Chacun parle 4’ sans être interrompu et on fait 2 tours minimum. Ensuite on se fait des propositions concrètes pour retrouver harmonie, confiance et éviter de revivre la chose qui n’a pas été facile à vivre. Le processus dure généralement entre 20’ et 60’ pour les grands bavards et permet de réellement avancer vers une amélioration de la relation. Si on a trop attendu et que la tension est trop forte alors je conseille de faire intervenir plutôt un médiateur professionnel qui saura trouver les outils adaptés à la situation. Et un.e bon.ne médiateur.trice peut faire des miracles en très peu de temps si on s’y prend tôt en particulier.
Et si on continue de ne pas oser « gérer le conflit », que se passe-t-il ?
Il se passe ce que nous connaissons tous très bien : on glisse le problème sous le tapis et puis le truc s’aggrave alors on continue de cacher cela sous le tapis jusqu’au jour où on explose sur un fait anodin et là notre interlocuteur ne comprend pas car le fait n’est pas du tout à la hauteur de notre réaction. Nos paroles dépassent alors nos pensées, la colère prend le dessus et notre interlocuteur est incapable de comprendre ce qui lui vaut toutes ces jolies paroles. Il se braque, se justifie, nous coupe la parole et c’est parti pour une bonne engueulade qui souvent laisse des traces.
Alors oui pour éviter cela je pense qu’il est urgent de ne pas attendre ! Dès qu’on ressent une tension, on s’en parle en ayant en conscience que c’est un cadeau qu’on s’offre à soi-même et à l’autre.
Ainsi on peut fêter Noël tous les jours… alors profitez-en bien et joyeux Noël !
J’allais oublier : merci à toutes les personnes qui ont osé assumer d’être en tension ou conflit avec moi. Vous m’avez fait énormément grandir. Ok parfois vous auriez pu vous y prendre de manière moins violente mais n’empêche que je préfère cela à ceux qui n’ont pas osé et qui m’ont laissé dans mon ignorance et mon inconscience.
Yannis CAMUS
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